Une éthique vocale partagée
L’expression vocale des écoliers, tant parlée que chantée, n’était pas uniquement conçue selon une perspective fonctionnelle. La lecture oralisée et le chant devaient aussi refléter des dispositions intérieures, morales et spirituelles, ce qu’attestent des écrits de toute nature. Parmi les plus diffusés figurent les conseils donnés au Bon Laboureur par le chanoine verdunois Richard Dognon. Dans cet ouvrage destiné à la frange supérieure de la société rurale, l’auteur reprend à son compte un idéal vocal bien connu des ecclésiastiques depuis le Concile de Trente — « chanter distinctement, posément, modestement, & devotement » (Brulin 1998) — pour l’appliquer aux enfants, dont le comportement oral est constitué en exemple public.
Sur un plan plus technique, les méthodes de lecture et de plain-chant insistaient sur la prononciation et l’accentuation au service d’une correcte oralisation du texte latin. La « rectitude orale » qui devait en découler était considérée comme un signe de l’investissement conscient et consciencieux de l’enfant-locuteur. D’où, dans les traités, de nombreux développements sur la posture, sur l’égalisation des voix individuelles, sur le juste investissement dont l’écolier devait faire montre.
Le Méthode nouvelle pour apprendre le plain-chant de l’abbé Nicolas Oudoux (1772), que l’on peut consulter ci-contre, est particulièrement prolixe en la matière. Dans le sillage du processus de civilisation des pratiques religieuses entamé depuis le XVIe siècle, cet ouvrage destiné notamment aux maîtres d’école multiplie les consignes visant à l’encadrement de la voix des enfants. Ni trop, ni trop peu...
XB
(Brulin 1998) Brulin, Monique, Le Verbe et la voix : la manifestation vocale dans le culte en France au XVIIe siècle, Paris, Beauchesne, 1998.Références bibliographiques (cliquer ici)