Enseigner le chant aux enfants

<em>Roti-cochon ou Méthode tres-facile pour bien apprendre les enfans a lire en latin &amp; en françois</em> (entre 1689 et 1729)

Roti-cochon ou Méthode tres-facile pour bien apprendre les enfans a lire en latin & en françois (entre 1689 et 1729)

Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, la relative stabilité des techniques d’enseignement scolaire de la lecture et du chant n’empêcha pas la recherche d’une plus grande efficacité pédagogique auprès des enfants. Par le biais d’une adaptation des supports à partir desquels s’effectuait le travail scolaire, des auteurs tentèrent de faciliter l’initiation orale des plus jeunes.

Pour la lecture, cette évolution se traduisit notamment par la production de livres dont la présentation était entièrement adaptée à un public enfantin (au contraire des livres d’heures et des psautiers, très proches des livres d’église pour adultes). Le Roti-Cochon appartient à cette catégorie : destiné à des enfants déjà initiés à la lecture, il entremêle sentences latines et françaises en petits caractères, mots du quotidien en casse plus forte (mets, animaux familiers ou d’élevage, objets courants...), certains d’eux étant doublés par leur représentation gravée afin de faciliter la mise en relation du mot et de la chose.

<em>Nouveaux élémens de chant (Souhaitty, 1677)</em>

Jean-Jacques Souhaitty, Nouveaux élémens de chant (1677)

Le chant ne fut pas en reste puisque la notation du plain-chant suscita l’imagination d’une poignée de théoriciens, parmi lesquels Jean-Jacques Souhaitty. Ce religieux franciscain de l’Observance mit au point un système de notation du chant ecclésiastique pour remédier à ce qui lui apparaissait comme une déficience généralisée dans l’enseignement du chant en milieu ecclésiastique comme dans les écoles paroissiales [Souhaitty 1677, 52-53].

Les plus radicaux des projets de simplification de la notation du chant ecclésiastique consistèrent à en supprimer les signes propres (portée, clefs, notes, bémol...) pour leur substituer un code placé au plus proche du texte à chanter. Dans le cas de Souhaitty, ce sont les chiffres de 1 à 7 qui indiquent la hauteur des sons à chanter : 1 pour ut, 2 pour ré, etc. Même si le résultat risquait de dérouter les habitudes – ce que les critiques de ces systèmes ne manquèrent pas de souligner –, il maintenait la continuité typographique du texte à chanter (celui-ci apparaissant alors plus ou moins comme dans les livres employés pour l’apprentissage de la lecture), au lieu l’éclater en syllabes séparées comme dans un livre de plain-chant. Malgré la ténacité des promoteurs de tels systèmes (Souhaitty à la fin des années 1670 et Demoz au commencement du règne de Louis XV, suivis de quelques épigones au XIXe siècle), ces expériences semblent n’avoir rencontré qu’un succès limité.

Traité historique et pratique du chant ecclésiastique (1741)

Jean Lebeuf, Traité historique et pratique du chant ecclésiastique (1741)

D’autres auteurs intéressés par l’enseignement scolaire du plain-chant proposèrent de reconsidérer les manières d’apprendre, plutôt que la notation. Au XVIIe siècle, la plupart des méthodes destinées au l’initiation au chant abandonnèrent la solmisation à trois hexacordes héritée du Moyen Âge pour la gamme simple ou double (Bisaro 2015). Les étapes de l’apprentissage furent également remises en question par l’abbé Jean Lebeuf, un savant historien qui inclut dans son Traité historique et pratique du chant ecclésiastique (1741) une méthode expressément destinée aux enfants.

La caractéristique essentielle de sa démarche revient à faire lire et chanter les hauteurs sonores sans recourir, dans un premier temps, à la notation musicale. En disposant verticalement les syllabes de la gamme (disposition reflétant la différence entre ton et demi-ton par rapprochement des syllabes mi-fa et si-ut), Lebeuf suggère aux maîtres de travailler en s’appuyant sur une sorte d’abécédaire musical qui, une fois assimilé par le biais de routines chantées, permet d’introduire le référentiel habituel de la portée de quatre lignes.

XB

Source et références bibliographiques (cliquer ici)

[Souhaitty 1677] Souhaitty, Jean-Jacques, Nouveaux élémens de chant, ou l’Essay d’une nouvelle découverte qu’on a faite dans l’art de chanter, Paris, Chez Pierre Le Petit, 1677.

(Bisaro 2015) Bisaro, Xavier, « La voix des pauvres : chant et civilité oratoire dans les écoles de charité de Lyon à la fin du XVIIe siècle », Histoire de l’éducation, 143/1 (2015), p. 125-154.